Chambres
Au nombre de quinze, les chambres de Dar Dhiafa dépassent la simple fonction d’hébergement. Elles déportent le visiteur loin des catégories traditionnelles de l’espace-temps. Le premier contact avec elles produit l’impression, étrange et sublime, qu’on s’apprête à remonter le temps, très loin dans les limbes de l’Histoire, à l’époque où les choses étaient encore doucement vagues et merveilleusement incertaines. Comme la première impression est toujours la bonne, le visiteur prend plaisir, le temps d’un séjour, de se lover dans ses replis sécurisants ; ce qui, en soi, vaut tous les massages relaxants du monde !
Comme pour le bâti, les chambres ont été aménagées grâce à l’apport de la créativité artisanale locale. Tout le mobilier qui les compose est certifié original, les carrelages sont anciens ainsi que les portes. Aucun ajout de mobilier moderne, même patiné artificiellement, ne vient troubler la quiétude d’une harmonie d’ensemble. On eût dit le tableau qu’un peintre a pris la peine d’exécuter par petites touches et qui représente son chef-d’œuvre inconnu. Toutes les chambres étant différentes les unes des autres, chacune porte le sceau de l’exclusivité et invite à vivre une expérience particulière et unique. Même le visiteur récidiviste, pour peu qu’il réserve une chambre différente la seconde fois, aurait l’impression d’atterrir dans des lieux différents et sous d’autres cieux, tant le contraste entre les chambres peut paraître saisissant.
La décoration intérieure est faite pour surprendre et pour aiguiser l’appétit esthétique du visiteur. Ne dit-on pas que la surprise est le début du plaisir ? Tout est, donc, fait pour ménager la surprise et créer le désir non pas simplement de s’allonger sur un lit ou de prendre un bain mais surtout d’entrer en résonance avec l’univers de la chambre, de vivre langoureusement l’instant présent, celui du Carpe Diem et de chanter à la cantonade :
« ô temps ! Suspends ton vol, et vous, heures propices !
Suspendez votre cours
Laissez-nous savourer les rapides délices
Des plus beaux de nos jours ! ».
La meilleure manière de rendre compte de l’atmosphère unique qui se dégage des chambres est de tendre l’oreille. Non pas seulement pour écouter le gazouillis de quelque oiseau des îles ou le clapotis des eaux des bassins dans les patios, mais pour apprécier la sonorité et la musicalité des noms attribués à ces chambres selon l’ambiance de chacune. Elles s’appellent Fleur de Grenade, Princesse Amande, Dalila, Cheval d’Ebène, Sourire de Lune, Gemme. Tout est dit ! Les sens sont en alerte, le goût, l’odorat et le toucher s’associant à la vue pour capter les fluides qui sortent de tous les pores des chambres, ne rater aucune miette du spectacle s’offrant au visiteur émerveillé et converger pour apprécier le seul bruit de fond existant, celui du silence. Car, comme le dit le poète, « seul le silence est grand, tout le reste est faiblesse »